L'EXODE DE LA SAINTE HOSTIE EN 1940.

 

Au cours de la guerre de 1914 1918 le clergé Douaisien non mobilisé demeura sur place et en particulier le chanoine J.-B. Hégo en ce temps-là doyen de la Collégiale Saint-Pierre et gardien attitré de la Sainte Hostie Miraculeuse. L'invasion allemande le saisit là au début de la guerre, car dès septembre-octobre 1914 l'ennemi occupait la ville. D'autre part les circonstances ne se présentaient pas comme en I940. L'atroce guerre aérienne n'avait pas pris les proportions qu'elle déploie à présent. On ne connaissait pas les bombardements par avion du genre de la gare de Douai (I9 mai I940) qui reçut plus de 400 bombes en une heure ! La fuite éperdue de la population, le long des routes -où les civils étaient mitraillés tout comme les militaires, n'avait pas vidé, comme en I940, nos cités du Douaisis, du Cambrésis, du Hainaut et de l'Avesnois. D'où en 1940 l'autorité ecclésiastique fut astreinte de prescrire au clergé paroissial de suivre la paroisse là où elle se transportait.

La situation se présentait donc tout différemment en 1914 1918, à Douai. Aussi de ce chef,

le chanoine J.-B. Hégo, doyen de Saint-Pierre, demeura sur place et il y maintint la Sainte Hostie. Durant ces longues années d'occupation, la Collégiale Saint-Pierre, où le culte subsista toujours régulièrement jusqu'à l'évacuation forcée de 1918, fut assez fréquemment réquisitionnée par les autorités allemandes pour abriter les prêches protestants. Notons que tout s'y fit toujours correctement. L'Empereur Guillaume II vint en personne assister à l'un de ces prêches et adressa ensuite la parole à ses troupes. Entretemps, le clergé de Saint-Pierre avait mis à l'abri les objets précieux de la Collégiale, susceptibles d'être soustraits par les Allemands. Toutefois la Sainte Hostie Miraculeuse demeura en son tabernacle habituel. C'est alors que les aumôniers catholiques allemands de passage ou en séjour avec leurs troupiers à Douai, demandèrent à voir la Sainte Hostie et pour mieux constater les marques indubitables de l'iconographie eucharistique du XIIIe siècle imprimées en relief dans la susdite, se permirent d'ouvrir la pyxide d'or qui la renferme, alors qu'il était très possible et tout à fait pratique de constater la chose à travers les deux petits cristaux transparents dont est muni, d'ailleurs à cet effet, le centre de la pyxide.

Sur-le-champ, le clergé de Saint-Pierre ne se rendit pas suffisamment compte des grands inconvénients que présentait ainsi pour la Sainte Hostie cette manipulation trop cavalière, de même que son brusque contact avec l'air alors qu'elle était demeurée enfermée dans sa pyxide, hermétiquement close, depuis plus de cinq siècles. Ce n'est que par la suite et devant les dommages regrettables qu'il constata pour le précieux trésor eucharistique que le clergé de Saint-Pierre et M. le chanoine J.-B. Hégo défendirent inexorablement et à qui que ce soit d'ouvrir la pyxide. Nous dirons d'autre part dans le procès-verbal qui va suivre quels furent les inconvénients produits par la manipulation de l'Hostie précitée et de son contact subit avec l'air ambiant.

Instruit par l'expérience, M. Hégo mit alors la Sainte Hostie et les Vases sacrés, au moment de l'évacuation de septembre à décembre 1918 à l'abri à Valenciennes.

Retiré ensuite à Mons en Belgique il y séjourna la majeure partie, sinon tout le temps, de la dite évacuation.

En sorte qu'il eut, avec ses vicaires, les abbés Honoré et Potelle, la grande joie de ramener le précieux trésor sain et sauf à Douai dès qu'ils purent rentrer dans la ville et reprendre le culte à Saint-Pierre.

Depuis le Très Saint-Sacrement de Miracle reposa dans la boîte d'argent qui contient la pyxide d'or, le tout enfermé dans un tabernacle décent à l'intérieur d'un coffre-fort à la sacristie de Saint-Pierre.

C'est pendant cette période que le Cardinal Vincent Vanutelli - qui devint ensuite Doyen du Sacré Collège - revenant du Pèlerinage Eucharistique International de Liège qu'il avait présidé au nom du Pape à titre de « Légat a latere », séjourna une journée à Douai et demanda à voir la Sainte Hostie Miraculeuse. Avec grand empressement le Doyen de Saint-Pierre, en l'espèce - le Chanoine Hégo - satisfit aux desiderata exprimés par l'éminent visiteur.

Le vénéré Cardinal qui avait déjà entendu parler à Rome du Très Saint-Sacrement de Miracle et connaissait donc son existence, écouta avec grande attention toutes les explications que lui fournit M. Hégo sur le Très Saint-Sacrement de Miracle. Après l'avoir vénéré avec grand respect et une vive émotion, il insista près du Doyen de Saint-Pierre pour qu'un si précieux trésor eucharistique qui contient encore très vraisemblablement la présence réelle et adorable de Notre Seigneur Jésus-Christ fût conservé non dans un coffre-fort de sacristie mais dans un tabernacle même de la Collégiale Saint-Pierre.

Ce conseil impératif du Cardinal Vanutelli, bien et mieux placé que n'importe qui, pour parler, conseiller et au besoin ordonner tout ce qui ressort ou convient à la Sainte Eucharistie, puisqu'il exerçait précisément à ce moment-là la charge suréminente de « Légat a latere de Sa Sainteté Pie X », de Représentant officiel du Souverain Pontife dans un Congrès Eucharistique international, fut exécuté sur-le-champ. Une fois de plus donc Rome manifestait toute l'estime qu'elle témoigne au Très Saint-Sacrement de Miracle, puisqu'en fait le Cardinal Vanutelli représentait alors le Souverain Pontife lui-même. Dans la personne de son Légat le Pape Pie X continuait ainsi tous les privilèges, les faveurs et témoignages de vénération manifestés par ses illustres prédécesseurs, par les nombreux Jubilés, Indulgences plénières, etc... octroyés jadis à l'insigne Collégiale de Saint-Amé relativement au Très Saint Sacrement de Miracle.

Notons en passant combien la recommandation expresse formulée par l'Auguste Visiteur de la Sainte Hostie précitée, concorde avec l'ordre formel émis en1855 par le Cardinal Régnier et tous ses successeurs par la suite, à savoir

« D’avoir à conserver très religieusement cette vénérable et précieuse Hostie dans un tabernacle même de l'Église Collégiale ». Cf. P. 381 la lettre écrite à cet effet par le susdit Cardinal au Chanoine Héroguer, alors Doyen de Saint-Pierre et Archiprêtre du Douaisis ».

Une fois de plus aussi constatons combien le Ciel par des attentions vraiment particulières, comme la visite du Cardinal Vanutelli au Très Saint-Sacrement de Miracle prend soin d'intervenir, par le jeu des causes secondes, pour entourer toujours le précieux gage d'amour que le Christ a donné à la ville de Douai de toutes les marques de respect, de vénération voire même d'adoration qui lui reviennent.

Déjà par documents datant de la grande Révolution, nous avons pu voir quels prudence, sagesse et fidèle dévouement eucharistique, le Ciel inspira au 29e et dernier Prévôt de l'insigne Collégiale Saint-Amé, M. le Chanoine Pierre-François de Ranst de Berkem, qui mit tout en œuvre pour sauver la Sainte Hostie Miraculeuse de l'impiété et du vandalisme révolutionnaire. Ici remarquons en passant combien le Ciel sait intervenir avec toutes les nuances requises, pour demander au Clergé de Saint-Pierre du temps, d'entourer toujours le Très Saint-Sacrement de Miracle de tout le respect adorable qui lui convient.

Immédiatement avant la grande Guerre, notons aussi, qu'à peine installé sur le Siège Archiépiscopal de Cambrai, Son Excellence Monseigneur Jean-Arthur Chollet avait tenu à venir vénérer le Très Saint-Sacrement de Miracle et à se rendre compte « de visu » de sa parfaite conservation.

Accompagnée de M. le Chanoine Wattel, Professeur de dogme en son grand Séminaire de Cambrai et actuellement Vicaire Général et Supérieur du dit grand Séminaire : Son Excellence prescrivit alors de placer la Sainte Hostie sur un petit lit de ouate et défendit expressément d'ouvrir ensuite la Pyxide d'or. Monseigneur fit aussi établir un rapport constatant sa reconnaissance officielle du Très Saint-Sacrement de Miracle de Douai.

Malheureusement ce rapport disparut lors du bombardement de l'Archevêché par les Allemands au cours de la guerre 1914-1918 et de l'incendie occasionné à cet effet qui dévora toutes les Archives archiépiscopales. A l'occasion de sa reconnaissance officielle du Très Saint-Sacrement de Miracle, et à la suite de tous ses prédécesseurs, Monseigneur avait également prescrit de conserver la Sainte Hostie Miraculeuse dans un tabernacle de l'Église Collégiale ; c'est tout simplement parce qu'aucun des dits tabernacles ne possédait alors de coffre-fort, que la Sainte Hostie avait été ainsi placée, de façon très décente bien sûr, dans celui de la sacristie de la Collégiale.

Pour répondre à l'empressement et au pieux désir des fidèles M. le Chanoine L. Boumane, Doyen actuel de Saint-Pierre, trouva un ingénieux moyen de faciliter cette vénération du Très Saint-Sacrement de Miracle, pendant toute l'Octave de la Fête-Dieu. Il fit confectionner un prie-Dieu entièrement revêtu de pourpre et possédant dans le dessus du dossier un petit coffret vitré permettant d'y enchâsser la précieuse pyxide que de nombreux Douaisiens viennent ainsi, comme leurs aïeux, vénérer, en s'agenouillant devant la Sainte Hostie et en la baisant avec grande vénération.

Le dévoué et sympathique Doyen Boumane facilite ainsi la coutume si chère aux Douaisiens, et continue du fait, toute la piété vouée jadis par les Prévôts de Saint-Pierre au Très Saint-Sacrement de Miracle, en particulier par le Docteur Colvenère, chancelier de l'Université de Douai et prévôt de Saint-Pierre au XVIe siècle.

Le 11 novembre 1929, lors de l'érection et consécration du bel autel, à sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus à Saint-Pierre, à nouveau Monseigneur l'Archevêque intervint pour prescrire un tabernacle, coffre-fort conçu tout à fait ad hoc, pour conserver le précieux Trésor Eucharistique de Douai : le Très Saint-Sacrement de Miracle.

C'est que le Chef vénéré de l'Archidiocèse a toujours témoigné une dévotion toute particulière à la Sainte Hostie Miraculeuse, et comme nous venons de le remarquer, Son Excellence a tenu sans cesse à se préoccuper personnellement de tout ce qui concerne non seulement la Sainte Hostie elle-même, mais encore du respect qui lui convient, et à l'occasion de sa sauvegarde.

Aussi rien d'étonnant à ce que, devant l'imminence de l'invasion allemande en mai 1940, et sachant M. Boumane très fatigué et contraint d'évacuer au plus vite, Son Excellence ait fait appeler (les 2 Vicaires de la Collégiale étant mobilisés) un Prêtre habitué de Saint-Pierre, le samedi 18 mai 1940 au presbytère de Saint-Jacques pour lui confier la précieuse Hostie Miraculeuse, avec ordre formel de ne pas la laisser manipuler, d'évacuer le précieux trésor, dès péril en la demeure, ainsi que de défendre à n'importe qui d'ouvrir la pyxide d'or qui le renferme... Le procès-verbal ci-contre expose comment ce Prêtre qui s'estime tout à fait indigne d'un tel dépôt et d'un si grand honneur s'est efforcé de remplir le mandat que lui a confié son Archevêque.

«  Je soussigné, Abbé Paul-Élie-Gabriel Catrin, Aumônier du Lycée de Douai, Directeur  du Foyer universitaire et Vice-Doyen Honoraire, ai été chargé par Son Excellence Mgr Jean-Arthur Chollet, Archevêque de Cambrai, mon Ordinaire, le samedi dix-huit mai dix-neuf cent quarante, au presbytère de Saint-Jacques à Douai, où j'avais été spécialement mandé, en présence de M. le Vicaire Général Mention, Chancelier de l'Archidiocèse, de soustraire à l'invasion allemande qui s'annonçait de plus en plus imminente, le précieux gage d'amour  de Notre Seigneur donné à l'église de Douai, à savoir la Sainte Hostie du Très Saint Sacrement ment de Miracle de Saint-Amé.

Ma mission était motivée par le fait qu'en 1914-1918, pendant l'occupation allemande, les aumôniers militaires Catholiques allemands n'avaient pas craint d'ouvrir la pyxide d'or contenant le précieux dépôt.

Il s'en était suivi, sans doute au contact de l'air, un changement de couleur dans la Sainte  Hostie, qui, au dire de M. l'Archiprêtre Hégo, alors Doyen de la Collégiale Saint-Pierre, et  gardien attitré de la précieuse Relique,... d'assez blanche qu'elle était demeurée jusqu'alors, avait pris une teinte roussâtre qu'elle a gardée jusqu'ici. De même comme ces Aumôniers avaient pris dans leurs mains cette précieuse Hostie, il en est résulté un léger effritement sur une partie des bords de la Sainte Hostie. Il y avait donc lieu de prendre toutes précautions  utiles pour éviter toute nouvelle manipulation.

Répondant au mandat de mon Archevêque, j'ai reçu des mains de M. le Chanoine L. Boumane, Doyen actuel de la Collégiale de Saint-Pierre, gardien attitré de la Sainte Hostie, la précieuse Relique.

Cette Hostie, de la grandeur des hosties servant à la Communion des fidèles, a, comme nous l'avons dit plus haut, une teinte roussâtre, qui lui donne peut-être davantage l'aspect du pain ordinaire. Le Crucifix, imprimé en relief sur le milieu de l'Hostie, ressort très nettement. On y voit les bras du Christ tendus très horizontalement à la manière du Tau grec, caractéristique manifeste et indubitable de l'iconographie eucharistique du XIII siècle, et  en parfaite conformité avec la description contenue dans le Rapport présenté par le R. Père  Possoz, S. J., membre de la Commission d'enquête instituée en dix-huit cent cinquante cinq par Son Éminence le Cardinal Régnier, alors Archevêque de Cambrai.

Cette hostie présente aussi de légers effritements sur une partie des bords produits, comme nous l'avons dit plus haut, à la suite de sa manipulation par les Aumôniers Catholiques allemands en dix-neuf cent quatorze-dix-neuf cent dix-huit.

La Pyxide d'or est une boîte de métal d'or, plate, de forme ronde et de la largeur d'une de ces grandes hosties servant au Prêtre pour célébrer le Saint Sacrifice de la. Messe. Elle est formée d'un fond ordinaire, avec un couvercle relié par charnière et s'y emboîtant avec » parfaite précision. Le fond porte aussi un anneau très solide faisant corps avec lui, et par où avant la Grande Révolution, la pyxide était attachée à l'ostensoir lors de l'Ostension de la  Sainte Hostie à la Collégiale de Saint-Amé et surtout lors des processions des grands Jubilés centenaires du Très Saint-Sacrement de Miracle à Douai. Le couvercle et le fond de la Pyxide sont percés d'une ouverture ronde du diamètre même de la précieuse Hostie, et  munis d'un verre de cristal transparent, laissant voir l'hostie tout en la protégeant.

La Sainte Hostie repose sur un petit lit de ouate, conformément aux prescriptions de Son Excellence Mgr Chollet en dix-neuf cent quatorze, à l'occasion de la reconnaissance officielle de cette relique (en attendant l'Ostension solennelle) qu'il fit en présence de M. le Vicaire Général Joseph Wattel, Supérieur du Grand Séminaire actuel du diocèse de Cambrai et alors Directeur et Professeur de Dogme au dit Séminaire, quelque temps après la nomination de Son Excellence au Siège archiépiscopal de Cambrai.

La pyxide et l'Hostie sont renfermées dans une custode d'argent toujours enveloppée d'un corporal. Cette custode est une boîte en argent portant sur le couvercle une croix gravé,­ avec une couronne l'entourant.

J'ai pris la précaution supplémentaire d'enfermer le tout dans un sachet de satin blanc (forme de Bourse) décoré du Monogramme du Christ « Xp », --- brodé d'or -- cadeau de M. le Chanoine Pinel, curé de Saint-Paul à Granville.

Je suis parti de Saint-Pierre de Douai, après y avoir célébré les Saints Mystères, le dimanche dix-neuf Mai, mil neuf cent quarante, en automobile, avec un très bon chrétien, sous-chef de la Défense passive, M. Vanapelghem, à qui par mesure de précaution, de peur d'un accident toujours possible en route, en de pareilles circonstances... (Nous fûmes mitraillés sept fois et j'eus deux personnes tuées à mes côtés le lundi vingt mai, à quatre kilomètres d'Abbeville) j'avais cru devoir confier le secret de mon précieux dépôt.

Grâce au Sergent Boucher du 3° Génie d'Arras qui nous fit monter dans son camion militaire, nous pûmes enfin arriver à Rouen, d'où j'ai gagné Lisieux, Coutances et Granville en portant toujours sur moi le précieux dépôt.

Arrivé à Granville le vingt-trois mai dix neuf cent quarante, jour de la Fête-Dieu, où je devais rejoindre les éléments universitaires du Nord, École Normale d'Institutrices d'Enseignement public de Douai, repliée à Granville, et dont j'ai la charge morale, de par mission  de mes Supérieurs ecclésiastiques, je pris soin d'avertir immédiatement M. le Chanoine  Pinel, curé de l'église paroissiale de Saint-Paul de Granville, de l'incomparable trésor dont, j'étais l'indigne

porteur.

 

Aussitôt M. le chanoine Pinel m'accompagna à l'église, où il m'autorisa à déposer dans  le tabernacle de la susdite, la Sainte Hostie Miraculeuse. M. le Chanoine Pinel connaissait déjà Douai par la paternelle et sacerdotale hospitalité qu'il accordait chaque dimanche en son église à 175 (sur 207) Élèves de l'École Normale de la susdite ville, suivant le témoignage » qu'il tint à adresser à l'Archiprêtre de Mende à leur sujet : Ces chères enfants ont édifié ma paroisse durant six mois (et dont nous conservons l'authentique dans nos archives).

Nous devons un merci tout spécial pour l'accueil si sacerdotal et déférent accordé par M. le Chanoine Pinel au Très Saint-Sacrement de Miracle. Ces lignes qu'il adressait à l'Archiprêtre de Mende où j'avais à me rendre en cas de repli de l'École Normale de Jeunes Filles  de Douai (Cf. l'authentique précité) l'expriment si éloquemment

Vous allez profiter maintenant d'une grande grâce que nous avons ma paroisse et moi bien appréciée durant des jours trop courts hélas ! Le Très Saint-Sacrement de Miracle de Saint-Amé de Douai vous sera confié par M. l'Abbé Catrin, aumônier du Lycée de Douai, chargé par Monseigneur Chollet de la sauvegarde de cette belle Relique Eucharistique.

 

Entretemps, j'avais appris l'heureuse arrivée à Saint-Brieuc de mon Ordinaire, Son Excellence Mgr Chollet, Archevêque de Cambrai, à qui je m'empressai de rendre visite le lundi 3 juin, en sa résidence provisoire, 20, rue des Capucins et près de qui je fus introduit  par M. le Vicaire Général Mention, Chancelier de l'Archidiocèse. Ayant narré à Son Excellence tous les détails et péripéties de l'exode de Douai et l'heureux comportement de la Sainte

Hostie, Son Excellence voulut bien me dire toute sa satisfaction, me confirma dans le mandat confié au sujet du Très Saint-Sacrement de Miracle, et après quelques conseils et directives pour l'œuvre universitaire dont Elle m'a chargé me congédia avec sa paternelle bénédiction.

Le seize juin, en raison de l'imminence de la ruée allemande en Normandie, et pour me conformer aux consignes reçues par Mon Ordinaire au sujet du Saint-Sacrement de Miracle, je pris de nouveau le chemin de l'exil et m'enfuis emportant sur moi le précieux dépôt. Le soir même j'étais arrivé à Nantes où je fus reçu à l'Évêché avec la plus grande bienveillance par Mgr Villepelet, ancien condisciple de Saint-Sulpice, et la Sainte Hostie reposa dans le tabernacle de l'Oratoire de Son Excellence Mgr Villepelet, Évêque de Nantes, très ému de  cette attention du Ciel. (Voir page 521 la vue du splendide autel de l'oratoire épiscopal de Nantes).

Il me fallut en partir le mardi dix-huit juin, pressé à nouveau par la poussée allemande, pour arriver le soir même à La Rochelle où Son Excellence Mgr Liagre, évêque du lieu, me prescrivit de déposer la précieuse Hostie dans le tabernacle du Carmel de la Ville, 2, rue  Saint-Dominique.

J'y appris la conclusion certaine de l'armistice, qui rendait désormais sans objet mon voyage à Mende, tout en m'astreignant pendant quelque temps à demeurer sur place, par suite de l'interdiction de circuler signifiée par la Kommandantur et promulguée par les autorités civiles Françaises. Comme à Granville et à Nantes, la Sainte Hostie fut accueillie, avec le plus grand respect et la plus religieuse ferveur au tabernacle du Carmel de La Rochelle, et, à ce sujet, il m'est doux de relater l'accueil le plus sympathique et le plus confraternel de  l'Aumônier du dit Carmel : M. le Chanoine Dagès, Chanoine titulaire de la Cathédrale  Saint-Louis et ex-archiprêtre de Rochefort-sur-Mer, et de la Révérende Mère Prieure, Sœur Marie-Madeleine de jésus, qui m'écrivit, le lendemain même de mon arrivée au Carmel  de la Rochelle :

« Je n'ai pas besoin de vous dire que nous considérons comme un honneur d'avoir le Trésor sous notre toit ».

Ainsi donc, jusqu'à présent, le précieux trésor est demeuré absolument intact, depuis  son départ de Douai. Jamais, et par qui que ce soit, la Pyxide ne fut ouverte : j'en fais le serment !... Et j'ai la joie profondément sacerdotale, tout en me considérant absolument indigne d'un tel honneur, de pouvoir affirmer que, jusqu'ici, grâce au Ciel et à toutes les bienveillances précitées, le Très Saint-Sacrement de Miracle confié à mes soins, par mon Archevêque, Son Excellence Mgr Chollet, est demeuré intact.

En foi de quoi, j'ai dressé à toutes fins utiles, le présent procès-verbal, contresigné par M. l'Aumônier du Carmel, en ce qui concerne le séjour de la St'' Hostie dans la Chapelle  de cet Établissement.

 

La Rochelle, le 9 juillet 1940.

 

P. CATRIN, V. Doyen H-                                                               

Directeur du Foyer Universitaire                                                 

et Aumônier du Lycée de Douai.   

                                                        

V. DAGÈS

 Chanoine titulaire, Pénitencier

Aumônier du Carmel

 

Visum et recognitum

Nanaetis, die Ica Julii 1940                                                                                

Joannes Josephus VILLEPELET                                                                                                         

Episcopus nanaetensis  

 

 

 Visum et recognitum    

Rupella die Va J u 1 i i 1940

 D. BOURÉ, Vie. Général

Prélat de S. S.    Officialiter                                                               

 

Sceau de l'officialité

 

Du 15 juillet au 12 septembre 1940,

L'Hostie Miraculeuse de Saint-Amé de Douai reposa à nouveau dans le Tabernacle de l'Église Saint-Paul de Granville, où elle avait séjourné déjà du Jeudi de la Fête-Dieu 23 mai au dimanche 16 juin.

Et, je soussigné, Chanoine Louis Pinel, Curé de Saint-Paul, certifie que durant tout ce séjour, présent et antérieur la Pyxide d'or renfermant la dite Hostie ne fut pas ouverte. L'Ordonnance prescrite par son Excellence Monseigneur Chollet et tous ses prédécesseurs, jusqu'au Cardinal

Régnier inclusivement qui commanda de la conserver avec grand soin et de l'enfermer religieusement dans le Tabernacle, fut donc scrupuleusement observée à Saint-Paul de Granville,

Et par les présentes, j'en donne acte à Monsieur l'Abbé Paul Catrin, Aumônier du Lycée de Douai, qui fut chargé par Monseigneur l'Archevêque de Cambrai de la Sauvegarde de l'Hostie susdite à la date et dans les conditions ci-dessus mentionnées...

Granville, le 12 septembre 1940                                  

Chanoine L. P INEL                                                      

Curé de Saint-Paul.

Sceau de la paroisse Saint-Paul   de Granville

 

Vu pour la Légalisation de la signature de Monsieur le Chanoine PINEL

H. SIMONNE

V. G. de Coutances.

 

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