Observations préliminaires des circonstances
qui encadrent cette découverte

 

Avant de suivre pas à pas les résultats de l'enquête prescrite par le Cardinal Régnier et qui comprenait, au dire de l'Abbé Capelle, nommé par le Cardinal Régnier, président de la Commission d'enquête, (Souvenir du Jubilé séculaire du Saint-Sacrement de Miracle de Douai), cinq questions à examiner

1° L'hostie miraculeuse était-elle conservée à Saint-Amé ?

A-t-elle été sauvée à l'époque de la Révolution ?

3° L'Hostie trouvée porte-t-elle dans le dessin de l'effigie quelques signes qui puissent la faire regarder comme appartenant au XIIIe siècle ?

4° Quel est l'homme qui l'avait entre les mains et qui a déposé le coffret dans l'église Saint-Pierre ? Peut-on croire à sa loyauté ?

5° Quel est le chanoine qui a sauvé cette hostie ?

A) Remarquons d'abord (toujours au dire de l'Abbé Capelle, que le Cardinal Régnier, Archevêque de Cambrai, informé aussitôt de cette découverte)

1° ordonna de placer l'Hostie dans un des tabernacles de l'église ;

défendit de rien publier sur ce point ;

3° et prescrivit de faire en son nom une enquête prudente, minutieuse et sévère, comme l'Église le demande dans ces sortes de procédures.

Donc au préalable avant tout résultat d'enquête préliminaire le Cardinal ordonna :

de placer dans un tabernacle de l'église la Sainte Hostie Miraculeuse, Lui qui avait, par ordonnance précédente, fulminé contre tout ce qui était enfermé dans les tabernacles de son diocèse, hormis le Saint-Sacrement, et l'en avait inexorablement banni.

C'est qu'il avait donc déjà une opinion intime, personnelle sur l'hostie miraculeuse qu'on venait de découvrir à Saint-Pierre, puisqu'il lui accorda les privilèges divins eucharistiques.

2°Monseigneur défendit de rien publier sur ce point... C'est qu'il connaissait le milieu, et entendait laisser faire le procès qu'il venait d'ordonner sur l'unique terrain où il devait demeurer : celui de la vérité et de la région sereine des principes et non de chicanes et polémiques de paroisses !

B) Et ensuite repérons avec tout le soin et les précautions minutieuses que comportent ces deux documents de première importance, base de toute notre démonstration, les différentes circonstances et détails qui les ont pour ainsi dire encadrés.

Et d'abord nous constatons que dans le billet du Chanoine de la Collégiale de Saint-Amé, il est formellement déclaré par le susdit Chanoine (M. de Ranst) : «  Le péril d'une profanation étant imminent, j'ai placé dans cette boîte l'Hostie très vénérable du Très Saint Sacrement de Miracle, déjà soustraite et heureusement reconnue ». Il est facile de présumer par le sens du billet qu'il faut lire servaturis au premier mot coupé.., de même après l'altération survenue, on voit encore Prop... manu, donc proprio manu, toujours d'après le sens obvie ; de même pour la signature on lit encore assez parfaitement De Ran.., la lettre s ne se voit plus mais le t est très lisible, malgré les multiples entrelacements du paraphe qui accompagne la signature.

 

Or, on sait d'après les recherches faites en 1854 par l'Abbé Capelle et le R. P. Possoz, membres de la Commission d'enquête prescrite à ce sujet par le Cardinal Régnier...

Que M. de Ranst ne quitta Roost-Warendin où se trouvait le château de sa famille, qu'après la mort de Louis XVI (21 janvier 1793) pour se retirer au Triou près de Brebières et que ce fut plus tard encore, vers 1794, qu'il partit pour l'Angleterre. D'autre part, on sait aussi par les Archives de la Mairie de Douai que les scellés furent apposés sur la Salle Capitulaire de Saint-Amé en 1790 et que le Chapitre de l'insigne Collégiale fut dissous en 1790. Quant à M. l'Abbé Pauchet, curé de Saint-Amé installé en 1782, il mourut en prison en 1798 et c'est l'Abbé Caille, ancien curé de Cuincy, constitutionnel, ayant prêté serment à la constitution civile du Clergé, qui fut élu curé constitutionnel de Saint-Amé, le 17 avril 1791 et qui, dans la même année, remplaça le Chanoine Levesque comme Président du Séminaire de Saint-Amé.

En outre, connaissant parfaitement les opinions du susdit Caille, cyniquement exprimées d'ailleurs dans la lettre que ce Curé constitutionnel adressa à la Société Populaire, qui date du 25 brumaire an II (15 novembre 1791) et que j'ai retrouvée aux Archives communales de Douai, série 114, No 12

« Faites part, je vous prie, à la Société, que je crois fermement que dans un gouvernement républicain on ne doit considérer ni prêtre, ni curé, ni évêque, qu'ils ne doivent avoir d'existence civile et que ces termes doivent être oubliés dans nos lois ».

 

Il est tout naturel de déduire que dans ces conditions « ce jureur » était loin d'inspirer confiance à l'ancien clergé de Saint-Amé et tout particulièrement à l'ancien prévôt toujours résidant dans le pays comme nous l'avons constaté plus haut (château de Roost-Warendin).

D'où il paraît alors non seulement plausible, mais très certain, que c'est avant cette époque, c'est-à-dire avant l'arrivée du sieur Caille à Saint-Amé et probablement tout de suite après le refus (1790) de l'ancien curé Pauchet (nommé par le Doyen du Chapitre M. Chevalier) d'adhérer à la constitution civile du clergé et son départ de la cure de Saint-Amé, que M. de Ranst s'est cru, plus que tout autre, autorisé et même obligé par la plus sainte des lois de sauver du naufrage qu'il pressentait, et que le pillage de la Collégiale de 1793 n'a que trop confirmé un trésor aussi précieux que l'Hostie miraculeuse,

Rappelons-nous en effet les termes mêmes du billet du Chanoine de Saint-Amé trouvé par M. Héroguer dans la boîte qui renfermait la Sainte Hostie : « J'ai placé dans cette boîte l'hostie déjà soustraite et heureusement reconnue ».

Enfin des pièces officielles - Archives départementales du Nord, district de Douai, liasse 54 - il appert que :

1° Le 13 novembre 1793 des commissaires commis par la Société Populaire, font l'apposition des scellés en l'église Saint-Amé, et vu l'observation d'un membre qu'il était essentiel de mettre en sécurité les objets les plus précieux en les transférant dans la sacristie, le Curé de Saint-Amé a été mandé pour retirer des tabernacles du chœur et de la chapelle de paroisse les ciboires et autres objets d'argenterie qui pouvaient s'y trouver, le dit curé s'est déterminé à la translation de ces vases ; on observe en passant que cette cérémonie s'est faite « avec toutes les grimaces du fanatisme ».

Le 15 novembre 1793, une visite domiciliaire est faite chez le curé Caille et chez Louis Lesurque, concierge et cuistre (sacristain) de Saint-Amé. Le dit jour les mêmes membres de la Société Populaire font l'inventaire des vases sacrés et autres objets précieux trouvés dans l'église Saint-Amé.

Or, Franciosi, les Abbés : Capelle, Blanchart et Collet qui ont écrit sur le Très Saint Sacrement de Miracle, rapportent tous d'après les renseignements qu'ils ont recueillis de différents côtés à ce sujet

Qu'au moment du pillage de Saint-Amé en 1793, un forcené : l'orfèvre Fenasse, qui conduisait la bande des démagogues qui se ruèrent dans l'insigne collégiale, s'élança en furie vers la chapelle du Saint-Sacrement de Miracle brisa la porte du tabernacle espérant saisir l'Hostie Miraculeuse, mais n'y trouva que le ciboire vide avec la boîte  qui contenait jadis la Sainte Hostie  vide également et enveloppée d'un corporal qu'il agita en s'écriant avec rage

"Voilà avec quoi les prêtres entretiennent la superstition des femmes."

 

Et de fait le procès-verbal des pièces officielles que nous avons consulté (Archives départementales du Nord, district de Douai, liasse 54) porte la mention suivante

« Il a été trouvé dans le tabernacle de l'autel une boîte d'os et d'ivoire et dans laquelle boîte  une autre enveloppée dans du linge, contenant dit-on l'Hostie miraculeuse ; qu'en présence du  citoyen Lesurque (sacristain de Saint-Amé) ladite boîte a été ouverte et qu'il ne s'y est trouvé  qu'un petit morceau de linge avec une espèce de cour. Et avons décidé que cette même boîte aurait été par nous portée à la société Populaire pour en aviser comme elle le trouvera convenir  après l'avoir scellée du scel du département.

Signé : PICART, B, BELGAMBE, Louis LESURQUE.

 

Donc les procès officiels du district révolutionnaire de Douai constatent qu'à cette date ci-dessus (15 novembre 1793) l'Hostie miraculeuse avait disparu de la chapelle du Saint Sacrement de Miracle et de la Collégiale de Saint-Amé... Confirmation par conséquent tout à fait historique et authentique de cette phrase du billet de M. de Ranst trouvé par M. Héroguer dans la boîte du coffret de Mornave contenant la Sainte Hostie miraculeuse

"J'ai placé dans cette boîte l'hostie déjà soustraite et heureusement reconnue."

Quelques derniers détails nous restent maintenant à préciser sur la teneur du billet (typographie du billet) d'Alexandre Mornave trouvé dans le coffret.

Tout d'abord le ci-dessus désigné confirme implicitement aussi par cette phrase (elles ont été sauvées à la Révolution) le sauvetage: de la Sainte Hostie Miraculeuse affirmé déjà par le signataire de l'autre billet, le Chanoine de Saint-Amé, de Ranst, et confirmé, nous l'avons dit ci-dessus, par les documents officiels,  d'autres reliques d'églises de Douai.

En effet il dit nettement que ces reliques viennent de Saint-Pierre, de Saint-Amé et de différentes églises de Douai ; or aucune autre église de Douai ne conservait parmi ses reliques (Cf. le livre de Dechristé, Tableaux, Vases Sacrés des églises de Douai) d'Hostie à l'empreinte du XIII' siècle, hormis Saint-Amé, avec la Sainte Hostie miraculeuse !

C'est donc là une nouvelle et implicite affirmation, extrêmement importante nous semble-t-il, que nous nous trouvons bien devant la véritable Hostie Miraculeuse de Saint-Amé.

Alexandre Mornave qui possède ces reliques déclare formellement les donner à Saint-Pierre pour être l'ornement de l'autel des Trépassés ; donc Saint-Pierre en devient réel propriétaire. Ce fait se passe en 1805, et comme il faut cent ans en droit canonique, pour qu'en cas échéant, la prescription puisse être invoquée comme titre légitime de propriétaire, il se faisait qu'en 1905 seulement, la Collégiale Saint-Pierre pouvait affirmer être, non plus seulement réel, mais légitime propriétaire de la Sainte Hostie Miraculeuse du Très Saint-Sacrement de Miracle.

Ces remarques, nous le verrons plus loin, ne sont pas sans importance pour comprendre la tournure du débat de 1855 et les raisons qui ont motivé la décision du Vénéré Cardinal Régnier dans la sentence que Son Éminence a rendue à l'époque après le résultat de l'enquête.

Nous verrons de par ailleurs, en répondant à la 4e question de l'enquête prescrite à ces moments-là par la commission, toutes les garanties que nous donnent les heureuses découvertes que nous avons faites sur la famille des Mornave et ses attaches avec la Collégiale de Saint-Amé.


 

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