L'opinion personnelle et l'attitude motivée du Cardinal Régnier sur l'authenticité de l'Hostie Miraculeuse de Saint-Amé retrouvée à Saint-Pierre en 1854 par l'Archiprêtre Héroguer, et les causes réelles du : Résultat de la Commission d'enquête de 1854.

 

Devant le témoignage des faits, les garanties des personnalités les plus notoires précédemment citées et spécialement désignées pour émettre un jugement averti et éclairé en la matière, bref devant une telle certitude... Comment se fait-il que le Cardinal Régnier n'ait pas sanctionné par une décision officielle, une ordonnance archiépiscopale, le résultat des travaux de la Commission qu'il avait habilitée à cet effet ?

Et d'autre part comment se fait-il que le 29e et dernier prévôt de Saint-Amé M. de Ranst de Berkem, ne soit pas intervenu de Londres où il est mort en 1816, pour certifier et confirmer le don d'Alexandre Mornave à l'autel des Trépassés de la Collégiale Saint-Pierre. Que signifie ce silence ?

Constatons d'abord que la lettre par laquelle le Cardinal Régnier suspendit l'enquête commencée sur la question, est ainsi conçue

« Je vous en prie, écrivit-il à M. Héroguer, doyen de Saint-Pierre, de transporter dans l'un des tabernacles de votre église la boite que vous avez trouvée au pied d'un crucifix et qui contenait l'Hostie présumée miraculeuse... J'espère que les recherches se continueront et me permettront de reconnaître et de proclamer l'authenticité ».

Officiellement donc, constate l'Abbé Collet dans sa notice, p. 45, le pieux archevêque ne prit aucune décision qui permit de rendre un culte à l'Hostie, mais n'est-il pas juste de voir dans sa lettre plus que l'expression d'une espérance et de Préjuger, d'après la teneur même de son écrit, de l'opinion intime qu'il nourrissait sur la question ? C'est le même prélat qui ordonne de déposer l'Hostie dans un tabernacle et qui auparavant avait rigoureusement détendu dans ses statuts diocésains d'y mettre autre chose que le Saint-Sacrement. N'est-ce pas là au moins un curieux rapprochement ? N'y a-t-il pas dans cette dernière mesure de Monseigneur une indication de son état d'esprit et ne peut-on présumer qu'il a suspendu l'enquête surtout pro bono Pacis, espérant que plus tard et dans une atmosphère plus sereine, l'instruction de cette importante affaire serait reprise par des hommes dont l'impartialité et les lumières ne laisseraient rien à désirer aux parties intéressées.

Cette opinion de l'Abbé Collet qui était celle que partageait intimement l'Abbé Capelle mais que pro bono Pacis il ne pouvait vulgariser, était foncièrement celle du R. P. Possoz, autre membre de la commission d'enquête nommée par le Cardinal Régnier. Devant la tournure prise par l'affaire, sur le rapport intéressé des experts impériaux désignés pour estimer et authentiquer l'écriture et la signature de M. de Ranst de Berkem : il avait adressé un autre rapport net et très charpenté au Cardinal, dont nous avons extrait au chapitre précédent le certificat de l'expert en écriture, Decorose...

Or, à ce rapport le vénéré Cardinal répondit le 13 janvier 1855 au R. P. Possoz qu'il l'avait reçu et lu avec intérêt - que la question d'iconographie lui paraissait éclaircie d'une manière suffisante puis il ajoutait que :

«  Les circonstances ne lui paraissaient pas opportunes pour donner une décision définitive ». Cf. a Documents officiels de l'enquête précitée » (très intéressants), à savoir

Une lettre du Révérend P. Possoz, au Cardinal Régnier, archevêque de Cambrai.

Rapport du R. P. Possoz au dit Archevêque.

Plus tard, ajoute ce rapport, le Cardinal ordonna de conserver précieusement dans le tabernacle de l'église Saint-Pierre l'Hostie en question... et... d'attendre des temps meilleurs !

Les disputes de paroisse, les querelles de clocher auxquelles nous avons discrètement fait allusion ont une fois de plus empoisonné les plus belles et plus saintes manifestations de la foi à savoir : Le culte extérieur et public à la Sainte Eucharistie.

On sait en effet que par une décision du 18 mai 1803, l'archevêque de Cambrai décida, de concert avec le préfet, que les cérémonies pour toute la ville auraient toujours lieu dans l'église Saint-Pierre, et au mois d'octobre 1806, le même Prélat ordonna que le clergé de chacune des Paroisses auraient successivement son jour pour officier en ces circonstances dans la dite église Saint-Pierre.

En fonction de cette décision et pour donner au jubilé de 1855 de plus larges proportions, un caractère plus grandiose, des notoriétés de la ville demandèrent que ce jubilé fût célébré à Saint-Pierre. Ce désir, ajoute l'Abbé Capelle, à la p. 25 de sa notice (jubilé séculaire du Saint-Sacrement) était d'ailleurs partagé par la plus grande partie de la population. Cette fête, disait-on, célébrée dans une petite église à l'extrémité de la ville sera regardée comme une fête paroissiale, puisque tous les fidèles de la ville sont appelés à y prendre part pourquoi ne point lui donner pour centre l'église Saint-Pierre qui est regardée comme la cathédrale de Douai et dont la vaste enceinte permettrait de donner aux cérémonies l'éclat le plus splendide et à la foule la faculté de s'étendre, sans se presser autour de la chaire de la vérité.

Monseigneur reconnut sans peine que la fête du jubilé serait plus brillante à Saint-Pierre, mais comme la Collégiale de Saint-Amé était située dans la circonscription territoriale actuelle de la paroisse Saint-Jacques et que du fait, cette dernière est en possession d'honorer le Saint-Sacrement de Miracle, Monseigneur reconnut aussi que cette église avait un droit acquis et ne voulut point l'en déposséder. Il laissa cependant à M. le Doyen de Saint-Jacques le choix de l'église, disant que s'il se prononçait pour Saint-Pierre, cette église lui serait pour ainsi dire prêtée, mais M. Vrambout déclara que ses paroissiens le pressaient de prendre Saint-Jacques en sorte qu'il fallut se résigner à entasser l'immense foule à Saint-Jacques.

D'autres difficultés surgirent encore, si bien que le Cardinal Régnier à la fin agacé, recommanda (p. 24 de la notice de l'Abbé Capelle) de spécifier dans tout ce qui serait publié à cette occasion que «  ce jubilé serait la dernière fête de ce genre », au moins sous son Épiscopat, dans le diocèse de Cambrai.

Ne sent-on pas le vénéré Cardinal Régnier à la fin excédé par toutes ces byzantines discussions, et n'avons-nous pas là un fait positif qui explique bien son état d'esprit dans la suspension qu'il intima aux travaux d'enquête pour la reconnaissance de l'authenticité de la Sainte Hostie Miraculeuse découverte en 1854 à Saint-Pierre par M. le Doyen Héroguer.

D'autre part, n'avons-nous pas dans l'attitude du Cardinal pour le choix de l'église qui devait servir de cadre aux solennités jubilaires de 1854 un exemple typique de son esprit d'équité et de justice qui animait toutes ses décisions. L'église Saint-Jacques, réclame de son droit territorial pour revendiquer chez elle les solennités du Jubilé séculaire de 1855, l'Archevêque respecte ce droit.

L'église Saint-Pierre possède deux titres qui l'affirment d'une part : détentrice de l'Hos­tie Miraculeuse de Saint-Amé et d'autre part : propriétaire de la dite Hostie.

 

BILLET DE RANST ET BILLET DE MORNAVE

Monseigneur a sa conviction faite sur l'authenticité de la Sainte Hostie, mais en Supérieur averti, sage et prudent, il sait aussi qu'il faut non pas trente ans comme dans le droit civil, mais cent ans comme prescrit le droit canonique pour proclamer la prescription que fait valoir Saint-Pierre pour revendiquer la propriété de l'Hostie Miraculeuse de Saint-Amé qui lui fut donnée par Alexandre Mornave.

Monseigneur dans sa sagesse et sa justice décide donc de ne pas prendre de décision à cette époque et d'attendre des jours meilleurs, c'est-à-dire que les temps soient révolus pour proclamer Saint-Pierre propriétaire canonique de l'Hostie Miraculeuse et reconnaître désormais sans nouvelle polémique à craindre, l'authenticité de la Sainte Hostie.

D'où le sens de cette phrase de sa lettre au R. P. Possoz «  les circonstances ne lui paraissaient pas opportunes pour donner une décision de principe ». Donc, voilà bien établis les motifs pro bono Pacis et Justitiae pour lesquels le Cardinal Régnier suspendit sa décision en 1854. Qui pourrait lui en faire un reproche ? Et n'éclairent-ils pas d'un jour serein et très pur toute la question en nous autorisant à dire que l'opinion des Abbés Possoz, Capelle et Collet sur la question, devient du fait une certitude morale absolue ? C'est le même argument qui nous permet alors d'expliquer le silence de M. de Ranst de Berkem surtout dans la situation que présentaient les circonstances de 1805 à 1813 date de sa mort à Londres.

Retour