Mais quel est l'homme qui l'avait entre les mains et qui l'a déposée dans le coffret
de l'église Saint-Pierre ? Peut-on croire à sa loyauté ?

Cette question fut éclaircie déjà lors de l'enquête menée en 1854 par la Commission présidée par M. l'Abbé Capelle, mais plusieurs nouvelles indications trouvées dans une recherche entreprise à ce sujet vont nous permettre de faire avancer la question également de ce côté-là.

Le résultat des investigations poursuivies par l'Abbé Capelle permit de présenter Alexandre Mornave comme probe, honnête et appartenant à une famille honorable quia joui à Douai de la plus excellente réputation. Ce témoignage a été rendu à tous les membres de cette famille par des personnes sûres et de toutes conditions... En outre : des renseignements recueillis par l'Abbé Capelle, il résulte qu’Alexandre Mornave qui a signé l'un des billets contenus dans le coffret de l'autel des Trépassés à Saint-Pierre est né en 1774 de Pierre Joseph Mornave, ouvrier menuisier, qui travaillait assez souvent avec son cousin maître menuisier pour les églises Saint-Amé et Saint-Pierre.

Alexandre était estropié et dès l'âge le plus tendre, il montrait un goût remarquable pour la piété.

M. Demarest jadis maître couvreur à Douai et fervent paroissien ( L'Hostie miraculeuse de Douay de l'Abbé Collet ) racontait qu'étant jeune il allait souvent chez les Mornave et que l'amusement favori du jeune Mornave était de dresser des chapelles. La piété d'Alexandre ne s'est jamais démentie, après la mort de son père Pierre-Joseph Mornave, il tomba dans un état plus que voisin de la misère, il se retira à Cambrai où il mourut en 1812 - Toujours, ajoute l'Abbé Capelle, il se montra constamment digne d'avoir pu être choisi pour dépositaire d'un objet aussi précieux, dont il semble du reste avoir lui-même ignoré la nature.

L'Abbé Collet dans sa notice sur ce sujet (L'Hostie Miraculeuse de Douai) dit d'autre part que la famille Mornave était honnête et chrétienne. Il ajoute ensuite qu'un de ses membres travaillait pour Saint-Amé et Saint-Pierre (p. 34 de sa notice) et à la page précédente en note marginale, il précise en disant qu'un Mornave Jérôme-Désiré-Joseph, décédé vers 1810, avait un cousin Pierre-Joseph Mornave, père de notre Alexandre Mornave. Mais quand l'Abbé Collet affirme que Jérôme-Désiré-Joseph Mornave avait une femme très pieuse, dont deux de ses frères étaient attachés à la Collégiale de Saint-Amé en qualité de bénéficiers, il cite là une lourde confusion faite par les rapporteurs de l'enquête de 1855. En effet, poursuivant nos recherches sur la famille Mornave nous nous sommes rendus compte que Jérôme Désiré-Joseph, ainsi qu'il appert des registres de l'état-civil que nous avons consultés à l'Hôtel de Ville de Douai (Extrait de mariage de Jérôme Désiré Joseph Mornave) a épousé en premières noces Thérèse Horin dont il devint veuf et en 2e noces le 26 Fructidor an cinq de la République : Marguerite-Joseph Blaize.

 

6e Année de la République 1795 (Mariages) Folio 113.

 

L'an cinq de la République française le vingt-six fructidor, onze heures du matin, par devant moi Pierre Alexandre Monnerel, administrateur municipal et officier public par intérim de la Commune de Douay département du Nord, sont comparus en la maison commune pour contracter mariage :

D'une part : Jérôme Désiré joseph Mornave, menuisier domicilié en cette commune, veuf de Geneviève Thérèse Horin, et fils majeur de feu Jérôme François Mornave et d'encore vivante Marie-Thérèse Dubrulle, son épouse, domiciliée à Douay,

D'autre part : Marguerite joseph Blaize, fille de confiance domiciliée à Douay, fille majeure d'Amand Aimable Blaize, cultivateur à Mazingarbe, et de Marie Rictrude Robi­quet son épouse, lesquels comparants étaient accompagnés de Augustin Wartel, cultivateur, beau-frère du comparant, De Pierre Joseph Mornave, menuisier, cousin audit comparant, De Hippolyte joseph Mit, rentier, et de Louis Auguste Nielle, menuisier, neveu dudit comparant, tous quatre majeurs et domiciliés à Douay.

Moi, Pierre Alexandre Monnerel, après avoir fait lecture en présence des parties et desdits témoins :

 

1° De l'extrait de naissance de Jérôme Désiré Joseph Mornave en date du six juillet mil sept cent cinquante-cinq - qui constate qu'il est né en 1755 en cette commune de légitime mariage entre Jérôme François Mornave et Marie-Thérèse Dubrulle.

2°De celui de Marguerite joseph Blaize, en date du vingt-trois mars mil sept cent soixante-neuf, partant qu'elle est née en la commune de Mazingarbe du légitime mariage entre Armand Aimable Blaize et Marie Rictrude Robiquet son épouse.

3° De l'extrait de mort de Geneviève Horin.

4° De l'acte de publication de promesse de mariage entre les contractants que j'ai dressé et fait afficher le vingt-quatre du présent mois, à la porte principale de la Maison commune de Douay.

 

Après, ainsi que Jérôme Désiré Joseph Mornave et Marguerite Joseph Blaize ont eu déclaré à haute voix se prendre mutuellement pour époux, j'ai prononcé au nom de la loi, qu'ils sont unis en mariage et j'ai rédigé le présent acte que les parties et témoins ont signé avec moi.

Fait en la Maison commune de Douay le même jour mois et an que dessus.

Blaize                            Monnerel Adm. mon.  J. Mornave Augustin, Joseph Wartel                           L. Nielle

Or, en poursuivant nos recherches historiques, nous avons découvert à la Bibliothèque de la Ville de Douai dans Souvenirs à l'usage des habitants de Douai

L'état du Chapitre de Saint-Amé à sa suppression le 16 novembre 1790. ( l'état du chapitre de Saint-.Aîné à sa suppression le 16 novembre 1790) à l'original consulté le relevé de cet état que nous certifions absolument exact - duquel il appert qu'aucun nom Horin ou Blaize n'apparaît comme bénéficiaire de Saint-Amé, tandis que nous y trouvons au contraire un Dubrulle bénéficier de Saint-Amé au titre de «  Beatae Mariae de Wagnonville 1776 » et un abbé Dubrulle, F. J., figurait également comme bénéficier de Saint-Amé au titre de Saint-Albin 1780 (Souvenirs à l'usage des habitants de Douai de Plouvain ).

En outre, aux registres de l'État-Civil, an III de la R. F. (folio 113), j'ai trouvé - comme le dit ci-dessus son acte de remariage avec Marguerite Joseph Blaize - que Jérôme Désiré Joseph Mornave était fils de Jérôme François Mornave et de Marie Thérèse Dubrulle. Cf. l'acte de décès de sa mère et le sien, extraits de l'État-Civil de Douai.

C'est donc non l'épouse, mais la mère de Jérôme Désiré Mornave qui avait non deux frères, bénéficiers de Saint-Amé, mais un frère et un cousin.

Cette famille hébergea et cacha en sa demeure, aux jours mauvais de la Terreur, des prêtres fidèles à leur sacerdoce ; on y administrait même les Sacrements, disent les renseignements recueillis lors de l'enquête de 1854. Ces détails sur les Mornave et les Dubrulle que nous avons eu le bonheur de retrouver sont très importants, car ils vont éclairer d'un jour tout nouveau le geste de M. de Ranst de Berckem, confiant la Sainte Hostie Miraculeuse à cette famille.

En effet, puisque les Mornave étaient déjà connus et appréciés de M. de Ranst par leur fidélité, leur honnêteté et leur piété, leur position modeste les rendait donc plus propres que des personnes d'un rang plus élevé à conserver avec moins de péril, de précieux dépôts. Et c'est ici qu'il faut admirer toute la sagacité et la prudence de M. de Ranst, car il n'ignorait certainement pas la parenté qui unissait aux Mornave ses deux subordonnés, les abbés Du­brulle, tous deux bénéficiers de titres de sa Collégiale (Beatae Mariae de Wagnonville et Saint-Albin).

De très près, et pour ainsi dire constamment, les susdits pouvaient donc avoir les yeux sur la Sainte Hostie Miraculeuse et savoir toujours ce qu'elle devenait sans compromettre cependant toute la réserve et la discrétion dont il fallait l'entourer. D'autre part, M. de Ranst était par le fait sans cesse renseigné par les abbés Dubrulle, sans avoir alors à se rendre constamment chez les Mornave où ses allées et venues n'auraient certainement pas échappé aux espions révolutionnaires.

Remarquons aussi en passant que le coffret caché par Alexandre Mornave contenait des reliques provenant des différentes églises de Douai, donc les prêtres confiaient volontiers aux Mornave leurs plus saints objets ou reliques soustraits à la profanation révolutionnaire (nouveau témoignage de la confiance générale dont jouissait la famille Mornave).

ÉTAT DU CHAPITRE DE SAINT-AMÉ A SA SUPPRESSION
LE 16 NOVEMBRE 1790


DIGNITAIRES.

Prévôt, 1782 : DE RANST DE BERCKEM, 1816 ; Doyen, 1788 : CHEVALIER,  1819, Vicaire Général de Cambrai ; Chantre, 1787: FROISSART,  1792 ; Trésorier : MARONIER 1787 ; Écolâtre : MALLET, 1786, 1805.

 

 

CHANOINES.

1765 : PARFAIT ; 1775 : MILHAUD DE BAUBAL, 1780 : LEGRAND, 1790 ; 1780 DESCAMPS; 1786 : DHAUBERSART, 1796 ; 1782 : GAVELLE, Secrétaire, 1795 ; 1782 DE BACQUEHEM; 1785 : EANOTTE, 1792 ; 1785: MELLEZ 1804 ; 1786 : DUCHASTELET ; 1786 : HAGE 1791 ; 1785 : LEVESQUE, Doyen de Saint-Jacques ; 1787: HONNER ; 1787 SAINT-GEVAIN, 1787: BEGHIN, (Sema Prébendes) ; 1776 : DALOST; 1786 :DUCHÉS - NOY,

 

CHAPELAINS OU BÉNÉFICIERS DE LA COLLÉGIALE DE SAINT-AMÉ.                               

 

Titres des Chapelles  Année Titulaires
Corial de Saint-Pierre à Fechain 1747 BLAINVART
Camp Fleury à Meory 1749 CROQUET
Saint-Michel à Dorignies. 1753 GOSSE
Notre-Dame de Furnes 1757 CARRÉ
Sainte-Anne 1757 CAUDRON
Notre-Dame du Four 1762 DESOIN
Ave Maria 1762 COLARD
Sainte-Élisabeth 1763 AUDENT
Notre-Dame de Prime 1765 FROISSARD
Du Petit Requiem 1767 STORDEUR
    «       «         «   1770  TABARY
Du Grand Requiem 1771 VILLERS
 «     «          «  1771 DUCHAUSSOY
Sainte-Élisabeth. 1772 DELFÉRIÈRE
Sainte-Catherine 1772 DEWALLE
Saint-Pierre-Saint-Paul 1774 NICQUET
Sainte-Élisabeth 1774 DELORME
Beatae Mariae de Wagnonville 1776 DUBRULLE
Sainte-Catherine 1777 CHEVALIER
Notre-Dame de l'Abbaye des Prés 1777 DUPIRE
Notre-Dame de Prime 1777  MANCÉ
Saint-Jacques et Saint-Albin 1779 PLANCHON
Notre-Dame à Saint-Albin 1779 CARTIGNY
Saint-Jean 1780 PAUCIET
Saint-Samson (Notre-Dame) 1780  DELACROIX
Notre-Dame du Four à Saint-Albin 1780 DUBRULLE Fr.J.
Saint-Albin 1780   GODESEAUX
Sainte-Marguerite 1783 MARTEAU
Saint-Jacques à Saint-Albin 1784 CORION
Notre-Dame de Furnes 1785 LEGRIS
Saint-Jean 1785 HINDERYCK
Notre-Dame de Prime 1786  BEAUFORT
Notre-Dame du Four 1786 CAUDRON N.
Sainte-Catherine 1788 VANTOUROUX
Notre-Dame du Four 1789

COULON

Sainte-Élisabeth du Camp-Fleury 1789 GALAN
Saint-Jean 1789

DEPRÈS

 

L'an Mil Huit Cent Sept le 30 Octobre à midi, Par devant nous Adjoint au Maire de Douay délégué par lui pour faire fonction d'officier de l'État civil sont comparus Jérôme Désiré Joseph Mornave, âgé de Cinquante deux ans, et Albert Morelle âgé de Quarante un an, Menuisier, Domiciliés en cette ville lesquels nous ont déclaré que Marie Thérèse Joseph Dubrulle âgée de 89 ans sans profession, née et domiciliée à Douay veuve de Jérôme François Mornave, fille des défunts Pierre joseph Dubrulle et Marie Lemaire est décédée au dit Douay, en sa demeure chez le premier comparant son Fils, ce jour à 1 heure du matin et ont les dits comparants dont le 2e est voisin de la défunte signé avec nous après lecture faite ; la dite Du­brulle est morte rue des Bonnes.

MORNAVE         MORELLE           B ........

L'an Mil huit cent dix, le Vingt sept Décembre à midi, par devant nous premier adjoint au Maire de Douay, délégué par lui, officier de l'État civil sont comparus Pierre Jacques joseph Dubrulle âgé de trente six ans, maître menuisier et Alexandre Guilluy âgé de cinquante un an, tapissier, domiciliés en cette ville, lesquels nous ont déclaré que Jérôme Désiré Mornave âgé de cinquante cinq ans, maître menuisier né et domicilié à Douay, veuf en premières noces de Geneviève Horin, époux actuel de Marguerite Blaize, âgée de quarante sept ans, fils des défunts Jérôme et Thérèse Dubrulle est décédée au dit Douay rue des Bonnes, ce jour à minuit, et ont les dits comparants, dont le premier est cousin le second voisin du défunt, signé avec nous après lecture.

DUBRULLE                               BOMMART

Et, pour revenir à la Sainte Hostie Miraculeuse, concédons même qu'elle ait pu passer par d'autres mains pour arriver aux Mornave, n'est-il pas tout naturel alors d'admettre que M. de Ranst ne l'ait confiée qu'à des personnes tout à fait sûres dont il connaissait la religion et la probité et par conséquent tout aussi incapables que les Mornave d'une fraude sacrilège, et cela ne se conçoit-il pas aisément de la part de nos deux Abbés Dubrulle, ex-bénéficiers de Saint-Amé.

D'autre part, dans quel but, dans quel intérêt, ces personnes auraient-elles détruit l'Hostie confiée ainsi par M. de Ranst, pour en substituer une autre ? Cette supposition on s'en rend compte est également invraisemblable et, par suite, elle ne peut en rien affaiblir la certitude morale que nous avons de l'authenticité de l'Hostie Miraculeuse de Saint-Pierre, car dans les appréciations morales, ce qui est invraisemblable est moralement impossible. Et on sait aussi que, pour admettre une supposition, il ne suffit pas qu'elle ne soit point métaphysiquement impossible, il faut de plus qu'elle soit au moins vraisemblable.

Il n'est pas étonnant que les Mornave n'aient rien dit au sujet de la Sainte Hostie dont l'un d'entre eux était dépositaire, pour la bonne raison qu'on la leur aura remise sans doute avec d'autres reliques sans entrer dans le détail ; on se sera contenté de leur dire : Voilà de pieux objets que nous confions à votre garde. Et même ne peut-on supposer que ce dépôt religieux fut confié à Alexandre Mornave dans des circonstances telles que l'on n'a pas eu le temps de leur donner une explication. Le profond respect que les pieux chrétiens portent généralement aux choses saintes explique suffisamment la discrétion des Mornave qui n'ont pas examiné ce que l'on avait confié à leur garde.

Enfin nous avons la certitude que M. le chanoine Joseph Dubrulle, bénéficiaire de Saint-Amé du titre de Saint-Albin, - l'un des deux Abbés Dubrulle, - a toujours habité à Douai, non seulement avant et pendant la Révolution, mais même après, et qu'il y est mort (1807). L'an mil huit cent sept le dix sept aout à midi par devant nous premier adjoint au Maire, et officier de l'État civil de Douai, sont comparus les sieurs Aimable-Louis-Joseph Depoutre âgé de quarante ans et Joseph Lequien âgé de cinquante ans, marchand, domiciliés en cette ville, lesquels nous ont déclaré que le sieur François Joseph Dubrulle âgé d'environ cinquante ans natif de Douai ex chanoine jouissant en cette qualité d'une pension intégrale de cinq cent quatre vingt sept francs, fils des défunts :

François Xavier Dubrule et Marie Marthe Cuvelier, est décédé au dit Douai hier à 10 heures du soir en  sa demeure rue de watz et ont lesdits comparants voisins du défunt signé avec nous après lecture faite, le défunt était domicilié à Douai.

A. DEPOUTRE.                      J. LEQUIEN.     B.) l'acte de son décès que nous avons extrait des actes officiels de l'Etat civil de l'Hôtel de Ville de Douai.

Donc jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'au moment du dépôt du coffret à Saint-Pierre, il a suivi la Sainte Hostie Miraculeuse et a pu s'assurer après les mauvais jours de la Terreur qu'Elle était à nouveau en sûreté et décemment conservée.

Nous dirons plus loin pourquoi, pas plus que M. de Ranst, les Abbés Dubrulle n'en ont rien dit.

En posant la 4e question de l'enquête prescrite au sujet de l'authenticité de l'Hostie miraculeuse de Saint-Amé trouvée à Saint-Pierre, la Commission la formulait ainsi : Quel est l'homme qui l'avait entre les mains et l'a déposée dans le coffret de l'église Saint-Pierre ? Peut-on croire à sa loyauté ?

Par toutes les indications que l'abbé Capelle a recueillies en 1854 et que nous complétons par nos découvertes actuelles, il est évident : d'une part, que nous sommes absolument sûrs de l'identité d'Alexandre Mornave dont nous avons vérifié l'extrait de naissance à l'État civil de Douai, et dont nous avons contrôlé et au besoin précisé tous les détails généalogiques de ses ascendants collatéraux. Aux mêmes documents de l'État civil, nous avons vérifié aussi l'acte de décès de son père que nous transcrivons ci-dessous, et son propre acte de décès à l'État civil de Cambrai, où nous fûmes le relever (L'an mil huit cent sept le dix sept aout à midi par devant nous premier adjoint au Maire, et officier de l'État civil de Douai, sont comparus les sieurs Aimable-Louis-Joseph Depoutre âgé de quarante ans et Joseph Lequien âgé de cinquante ans, marchand, domiciliés en cette ville, lesquels nous ont déclaré que le sieur François Joseph Dubrulle âgé d'environ cinquante ans natif de Douai ex chanoine jouissant en cette qualité d'une pension intégrale de cinq cent quatre vingt sept francs, fils des défunts ). D'autre part, qu'on possède par des Douaisiens qui l'ont connu ainsi que sa famille, des témoignages inéluctables et péremptoires sur son identité, son honnêteté et sa piété.

Quant au billet laissé par Alexandre Mornave il n'a jamais soulevé un doute concernant son origine et sa clarté ; les termes en sont si expressifs l'écriture si bien formée et si bien conservée que le document fut considéré d'une intégrité et authenticité parfaite par la commission d'enquête de 1854. Il doit donc être admis sans discussion.

Et même à lire posément ce document, on constate dit l'Abbé Collet

 

« Que l'auteur n'a pas cherché à contrefaire l'esprit qu'il n'avait pas, ignorant de l'art de bien dire,  il s'est expliqué naïvement et cette rustique simplicité avec laquelle il nous rend compte de la donation que de très bon cœur il fait à l'église Saint-Pierre n'est pas un petit argument en faveur  de sa sincérité. Le style d'un faussaire serait plus soigné et la déposition d'un savant plus facilement mise en doute»

En sorte qu'à la finale de la 4e question rédigée ainsi : « Peut-on croire à sa loyauté ? » Après avoir examiné tout ce qui a été dit ci-dessus sur la famille Mornave, tous les renseignements apportés lors de l'enquête de 1854 et toutes les précisions que nos recherches ont permis d'y ajouter : Nous répondons maintenant par ces deux questions concises et tranchantes

1° Quel profit humain les Mornave et en particulier Alexandre et son père ont-ils tiré de l'Hostie Miraculeuse confiée à leur fidèle piété ? Le père d'Alexandre Mornave est mort à l'Hôpital Général de Douai le 11 février 1811 (L'an mille huit cent onze  le onze février à midi, par devant nous premier adjoint au maire de Douai délégué par lui officier de l'État-civil, sont comparus les sieurs Antoine Ramont âgé de 36 ans et François Lemaire âgé de 48 ans administrateurs de l'Hôpital Général de cette ville, y domiciliés, lesquels nous ont déclaré que: Pierre Joseph Monnaye, âgé 77ans, menuisier, né et domicilié à Douai, veuf de Françoise Dumont, fils, de père et mère  inconnus aux comparants est décédé au dit hôpital à midi et ont les dits comparants signé avec nous après lecture, Lemaire, Ramont      B...) et son fils Alexandre à Cambrai en 1812 dans un état plus que voisin de la misère, affirme l'abbé Capelle. Dans ces conditions et d'après tout ce qui précède :

2° Peut-on douter du désintéressement et de la loyauté d'Alexandre Mornave ? Impartialement non.

Au point où est parvenue à présent notre étude, il apparaît hors de doute que l'Hostie Miraculeuse de Saint-Amé a été sauvée par M. de Ranst et si l'Hostie Miraculeuse trouvée à Saint-Pierre dans la boîte de fer blanc avec l'écrit de M. de Ranst est la même que celle qu'il y a déposée, il est également certain que cette Hostie est l'Hostie Miraculeuse.

Or que cette Hostie soit l'Hostie déposée par le Prévôt de Saint-Amé, il ne nous semble pas possible d'en douter - car la substitution n'aurait pu être faite que de 1793 à 1805, puisque depuis 1805 jusqu'au mois d'octobre 1854,selon le témoignage écrit d'Alexandre Mornave, le petit coffre contenant la boîte n'a pas cessé de reposer hermétiquement fermé et solidement cloué sous le Christ de l'autel des Trépassés.

Mais cette substitution présumée hypothétique, par qui aurait-elle été faite ?

Par les Mornave ? Mais les Mornave nous venons de le voir étaient des hommes craignant Dieu et incapables d'une pareille fraude.

« y demeurant, lesquels nous ont déclaré que ce Jourd'hui à cinq heures du matin, Alexandre Mornave âgé de trente-sept ans, natif de Douay, journalier célibataire, fils de Pierre-Joseph et de Françoise Dumont est décédé en la Maison n° 105 rue de Saint-Julien. Canton de Cambrai et après nous y être transporté pour nous assurer dudit décès nous avons rédigé le présent acte que le déclarant a signé avec nom, après lecture.

François Dormiet. Aimé  WattierAlexandre Frémicourt »

D'autre part il faut aussi remarquer qu'avant de faire cette substitution, les Mornave auraient dû d'abord détruire l'Hostie déposée en leurs mains par M. de Ranst. Cet acte - véritable sacrilège - n'aurait-il pas répugné aux sentiments très chrétiens qu'on leur reconnaît ?

Peut-être ajoutera-t-on qu'ils ont dû céder malgré leur répugnance à la crainte d'être compromis par la présence d'un dépôt de cette nature ! Néanmoins, malgré cette invraisemblance, admettons cette supposition - pourquoi alors Alexandre Mornave en 1805 en aurait il substitué une autre ?

On ne pourrait lui soupçonner d'autre intention que de se procurer des avantages matériels, nous venons de voir à la page précédente ce qu'il faut en penser : ou de se faire valoir - mais dans le billet écrit de sa main, Alexandre Mornave ne parle pas de la Sainte Hostie, il n'en fait pas plus allusion qu'aux autres reliques. Il donne, dit-il à la paroisse Saint-Pierre, le petit coffret et toutes les autres reliques qu'il contient et il ne spécifie pas que parmi ces reliques se trouve l'Hostie Miraculeuse de Saint-Amé. Certainement ce n'est pas ainsi qu'Alexandre Mornave aurait agi si dans l'intention de se faire valoir, il avait remplacé par une autre hostie, l'Hostie Miraculeuse précédemment détruite par lui ou son père. Et puis où se serait-il procuré après une telle tourmente révolutionnaire une hostie de caractère si médiéval ?

Il paraît en outre certain que les Mornave ont ignoré qu'ils possédaient la Sainte Hostie - donc la substitution n'a pu être faite par eux : il est même impossible qu'ils en aient eu la tentation !

Enfin conséquence inéluctable, si les Mornave avaient détruit la Sainte Hostie, n'auraient il pas aussi détruit le billet de M. de Ranst dont la présence, en cas de visite domiciliaire, était plus propre à les compromettre que la présence de l'Hostie ?

Il est donc tout à fait invraisemblable que les Mornave aient détruit la Sainte Hostie qu'ils ignoraient ou lui en aient substitué une autre : le billet de M. de Ranst de Berckem conservé malgré tout le danger qu'il pouvait occasionner, le proclame bien haut.

Mais qu'est-ce que ce billet, quelle est sa valeur, son authenticité ? Émane-t-il bien de M. de Ranst ?

 

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