Le Silence final du dernier et 29e Prévôt de Saint-Amé
M. Pierre François Xavier de Ranst de Berkem.
Nous ne parlerons pas de son silence antérieur, c'est-à-dire, pendant la Terreur et jusqu'à la paix rendue à l'Église. Durant cette période révolutionnaire si tragique et si troublée, on n'était guère prodigue de confidences semblables et même le silence était de rigueur absolue si on voulait réellement sauver les objets soustraits au pillage et à la profanation. Et une nouvelle découverte que nous avons pu faire en fouillant de vieux papiers peut prouver jusqu'à l'évidence que M. de Berkem s'était fait de cette mesure tout élémentaire de prudence une directive et même une loi de rigueur absolue.
D'après les actes officiels de la Société populaire, nous avons vu en effet aux chapitres précédents, lors de la visite domiciliaire à Saint-Amé et chez le Curé constitutionnel Caille, que le coustre Lesurque (sacristain) de Saint-Amé avait assisté à cette démarche et en avait même signé l'acte officiel, bien mieux qu'il avait subi en son propre domicile de concierge de Saint-Amé, la même visite domiciliaire.
Qu'il fût donc au courant du sauvetage de la Sainte Hostie Miraculeuse, nous n'en doutons pas, puisque c'était lui qui était chargé de veiller sur elle pendant le temps de son Exposition aux fêtes du Saint-Sacrement à Saint-Amé, et que dans ces conditions il était placé mieux que personne pour assurer sa vigilante préservation. Toutefois que le prévôt M. de Ranst de Berkem n'ait pas cru devoir lui confier ce qu'il allait faire de la Sainte Hostie quand il l'enleva de la custode du Tabernacle. Quoi d'étonnant ! plus que jamais « prudence était alors mère de sûreté »; d'autre part qu'il n'ait pas remis au sacristain Lesurque cette Sainte Hostie Miraculeuse pour la conserver chez lui. Quoi de plus sage avec le danger des visites domiciliaires auxquelles étaient exposés les tenants de Saint-Amé, et quoi de plus prudent ? Qu'il n'ait pas parlé ensuite, quoi de surprenant quand on juge, non à la légère, sur la pure impression du moment, mais que l'on prend la peine d'aller examiner chaque fois aux sources, c'est-à-dire aux authentiques mêmes, l'état de la situation ?
C'est d'ailleurs cette précaution qui nous a permis de relever et corriger des erreurs comme celle des Abbés Dubrulle, non frère, mais cousin de Thérèse Dubrulle, non épouse mais mère de Jérôme et de Joseph Mornave, etc. Or en remontant aux sources, nous avons découvert, dans la composition du Chapitre de Saint-Amé, à sa suppression en 1790, d'une part que le Chanoine Chevalier, ancien Doyen du dit Chapitre dont M. de Ranst de Berkem était le prévôt, c'est-à-dire premier Supérieur, devint : Vicaire Général de Cambrai, et de par ailleurs qu'un ancien Chanoine du dit Chapitre, M. Levesque, qui avait également toute la confiance de M. de Ranst de Berkem puisqu'il lui confia la direction du Séminaire de Saint-Amé, devint Doyen de Saint-Jacques en 1800. Dans ces conditions M. de Ranst qui devait être au courant de la situation de Douai par le Vicaire Général Chevalier, son ancien subordonné, savait aussi, mieux que personne, que Saint-Pierre avait un titre de possession de la Sainte Hostie qui n'était en rien illégitime, que cette autre Collégiale, dont il avait été également chanoine et l'Écolâtre lui semblait un cadre plus en rapport avec les splendeurs d'antan pour la Sainte Hostie et qu'enfin il ne pouvait guère intervenir publiquement et officiellement sans sinon blesser, du moins faire intimement une peine profonde à M. Levesque, doyen de Saint-Jacques son ancien subordonné, pour qui il avait tant d'estime (ancien Supérieur de son Séminaire) M. Levesque ne pouvait parler de Saint-Amé à ses paroissiens de Saint-Jacques dont il était désormais le Doyen ni surtout du Saint-Sacrement de Miracle, sans verser nous disent les documents du temps, des larmes abondantes.
Mettons-nous un peu à la place du bon M. de Ranst : ne comprenons-nous pas alors toutes les raisons de son silence, non seulement pour ne pas exciter l'esprit de chicane dans cette cité qu'il connaissait si bien, mais de la plus élémentaire charité pour M. Levesque, le confrère, Doyen de Saint-Jacques, qu'il estimait et qu'il avait eu jadis sous ses ordres.
Donc ici encore, pro bono Pacis et Justitiae, et parce que bien au courant de la situation par un Vicaire Général de Cambrai : M. Chevalier, ancien Doyen du Chapitre de Saint-Amé - M. de Ranst de Berkem s'est tu, sachant bien que, comme les hommes passent, les passions humaines d'une époque s'agitent, puis se calment et disparaissent avec leurs auteurs, tandis que l'Église, elle, demeure.
Aussi, à l'heure marquée par son divin Fondateur qui voulut, par la Sainte Hostie Miraculeuse de Saint-Amé, prouver jadis à Douai toute la réelle et perpétuelle vérité de sa Parole, espérons du Premier Pasteur du diocèse, à qui seul appartient de promulguer la fulmination de l'authenticité canonique de la Sainte Hostie Miraculeuse de Saint-Amé, retrouvée à Saint-Pierre en 1854, la décision définitive qui comblera tous les pieux désirs de ses diocésains en même temps que le grand souhait de Douai, Ville du Très Saint-Sacrement de Miracle !
Si ces vœux se réalisent, avec quelle joie verrons-nous alors la Sainte Hostie Miraculeuse, objet de tant de vénération et d'amour au cours des siècles passés, remise en honneur et exposée de nouveau à la vénération des fidèles, avec le Très Saint-Sacrement.
Cet acte officiel donnerait un regain de dévotion envers la Sainte Eucharistie dans la Cité, et dans tout le Douaisis un lustre nouveau et une dévotion plus généreuse et intense au Miracle éclatant qui a terrassé l'hérésie en 1254, et si puissamment suscité chez nos ancêtres l'amour et le culte du Saint-Sacrement.